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Pilule contraceptive : attention aux déficits nutritionnels

Pilules contraceptives et autres moyens de contraception

Développée dans les années 1960, la pilule contraceptive est devenue au fil des années l’un des médicaments les plus prescrits à travers le monde. Sa grande efficacité – 97 à 98% – a permis d’améliorer le quotidien de nombreuses femmes. 

Toutefois, l’usage de la pilule s’accompagne d’un risque accru d’altérations nutritionnelles, ce qui peut entraîner diverses conséquences sur la santé. C’est ce sur quoi nous alerte une équipe de chercheurs de l’université de Rome, dont la publication sera la base de cet article (Palmery 2013). D’autres travaux similaires ont été publiés par la suite (Basciani 2022).

 

De quoi se compose une pilule contraceptive ?

La pilule contraceptive est composée d’hormones stéroïdes qui vont agir sur les cycles d’ovulation ainsi que sur la paroi de l’utérus. On y retrouve classiquement un œstrogène et un progestatif (pilule oestroprogestative) ou uniquement un progestatif (pilule progestative).

 

Effets indésirables de la pilule contraceptive 

Plusieurs effets indésirables ont été étudiés et documentés. Nous retrouvons notamment :

  • Une augmentation du risque d’inflammation de bas grade. L’inflammation de bas grade est couramment analysée en mesurant dans le sang la CRP ultrasensible. Toute valeur dépassant 1mg/L indique une inflammation silencieuse, chronique, particulièrement délétère pour la santé à long terme. Le fait que la pilule contraceptive augmente le risque de cette inflammation de bas grade fait consensus. Citons par exemple une étude épidémiologique coréenne portant sur 5.332 femmes (Park 2022), qui a effectivement conclu que la pilule contraceptive augmente le risque d’avoir une CRPus > 1mg/L.
  • Une augmentation du risque de stress oxydatif. Le stress oxydatif correspond à un déséquilibre entre les facteurs oxydants et les défenses antioxydantes de l’organisme. Souvent lié à l’inflammation, il entraîne une altération des protéines, des lipides, de l’ADN, et joue un rôle direct dans la physiologie de diverses pathologies : maladie d’Alzheimer, maladies cardiovasculaires, vieillissement prématuré… Comme pour l’inflammation, il existe un consensus sur le fait que la pilule contraceptive augmente le risque de stress oxydatif. Cela a été parfaitement illustré par des études de cohortes belges (Pincemail 2007) et italiennes (Cauci 2021), de même que dans des études de médecine du sport, mais sur des échantillons plus restreints (Cauci 2016, Quinn 2021, Quinn 2022).
  • Une augmentation du risque cardiovasculaire. En partie lié aux deux points précédents, le risque cardiovasculaire est également augmenté par la pilule contraceptive. C’est ce qu’a par exemple montré une large étude de cohorte danoise, portant sur plus de 8 millions de femmes (Lidegaard 2011), où le risque de thromboembolie était multiplié jusqu’à 6 fois selon la composition du médicament, par rapport à des femmes sans traitement. Une seconde étude de cohorte néerlandaise est arrivée aux mêmes conclusions (Van Hylckama Vlieg 2009).
  • Autres : dépression, rétention d’eau, jambes lourdes, cellulite, prise de poids, migraines, perte d’énergie (Porcaro 2019).

Il faut le préciser, la composition de la pilule contraceptive joue un rôle majeur dans le niveau de risque. Sur ce sujet, l’étude de cohorte danoise évoquée plus tôt (Lidegaard 2011) nous en apprend beaucoup :

  • Les pilules progestatives (progestatif seul, sans oestrogènes) n’entraînent pas d’augmentation du risque de thromboembolie. 
  • Les pilules oestroprogestatives (progestatif et oestrogène combinés) entraînent en revanche une augmentation du risque. Ce risque varie lui-même d’un facteur de 2 à 6 selon le dosage en œstrogène (plus il est élevé, plus le risque augmente) et la nature du progestatif associé.

Il est donc primordial de bien connaître et étudier la composition du traitement, qui renseignera sur le niveau de risque associé. Certains chercheurs recommandent d’ailleurs aux médecins de privilégier un traitement progestatif plutôt qu’un traitement oestroprogestatif si leur patiente présente déjà des facteurs de risque cardiovasculaires : tabagisme, obésité, diabète, dyslipidémie, ou encore des antécédents familiaux ou personnels d’événements thromboemboliques (Machado 2022, Sanches de Melo 2017).

Entrons à présent dans le vif du sujet, en discutant des conséquences de la contraception orale sur le statut nutritionnel, dont le déséquilibre joue un rôle important dans les risques que nous venons d’expliquer.

 

Conséquences sur le statut nutritionnel

Depuis les années 1970, un nombre important d’études se sont penchées sur le statut en vitamines et minéraux des patientes sous pilule contraceptive. Le schéma de ces études est généralement le suivant : la biologie d’un groupe de patientes sous pilule est comparée à celle d’un groupe contrôle sans traitement. Il ressort clairement de ces études que les patientes sous pilule contraceptive ont des taux sanguins significativement abaissés en plusieurs vitamines et minéraux. Différents mécanismes entreraient en jeu :

  • Une augmentation de leur excrétion urinaire.
  • Une augmentation de leur consommation cellulaire.
  • Une diminution de leur absorption.
  • Une capacité réduite de liaison et transport.

Ces risques de déficits sont d’autant plus accrus si la patiente se plaint de problèmes intestinaux (risques de malabsorption), si sa consommation d’alcool est importante, ou encore si son alimentation est de piètre qualité.

 

Quelles vitamines à risque ?

Voici de manière synthétique les vitamines concernées, leurs rôles (non-exhaustif), et les conséquences de leur déficit :

  • La vitamine B9 (folates) : elle est indispensable à la synthèse de l’ADN et à la division cellulaire. Son déficit s’observe notamment à la biologie par des globules rouges anormalement gros, une anémie et un nombre abaissé de globules blancs. Le déficit en B9 peut également entraîner durant les premières semaines de gestation des anomalies de fermeture du tube neural du fœtus, ce qui aura pour conséquences des séquelles neurologiques irréversibles. Enfin, le déficit en B9 peut entraîner un défaut de conversion de l’homocystéine en méthionine, conduisant à une hyperhomocystéinémie et un risque cardiovasculaire accru.
  • La vitamine B2 : elle est indispensable à la production énergétique de nos cellules, à leur fonctionnement et leur croissance. Elle a également un rôle clé, souvent oublié, dans l’activation des vitamines B6 et B9. Son déficit peut en outre déclencher des migraines, un effet secondaire classique de la pilule contraceptive. Plusieurs études ont d’ailleurs montré une amélioration des patientes migraineuses avec une supplémentation en B2 (Zencirci 2010).
  • La vitamine B6 : elle est impliquée dans plus de 100 réactions enzymatiques, majoritairement liées au métabolisme des protéines. Elle est une vitamine clé pour la synthèse des neurotransmetteurs, et notamment la conversion du tryptophane en sérotonine. Comme la B2, elle est indispensable au maintien d’une homocystéinémie basse. Enfin, son déficit est associé à un risque accru de thromboses veineuses et artérielles, un des effets secondaires indésirables de la pilule contraceptive.
  • La vitamine B12 : elle est indispensable à la synthèse de l’ADN, la division et la croissance cellulaire. Comme la B6 et la B9, elle a un rôle clé dans le métabolisme de l’homocystéine. Son déficit est classiquement associé à des affections neurologiques et sanguines (dont l’anémie). Point important : elle se trouve uniquement dans les produits animaux, et doit donc être supplémentée en cas d’alimentation vegan. Attention, le fait de consommer des produits animaux n’exclut pour autant en rien une carence. 
  • La vitamine C : elle joue le rôle de cofacteurs dans de nombreuses réactions métaboliques clés (par exemple la synthèse du collagène). Son rôle antioxydant, en tant que séquestreur de radicaux libres, est bien connu. Les conséquences les plus graves de la carence en vitamine C sont le scorbut, les connectivites, des problèmes vasomoteurs ou encore des retards de cicatrisation. Il a été démontré que la teneur en vitamine C des globules blancs et plaquettes est diminuée chez les patientes sous pilule, en particulier les pilules oestroprogestatives. Cela participe à la majoration du risque de stress oxydatif associé à la pilule, ce qu’une supplémentation semble corriger.
  • La vitamine E : elle est antioxydante via son activité de séquestreur de radicaux libres. Étant liposoluble, son action antioxydante s’exerce essentiellement au sein des membranes cellulaires. Le déficit en vitamine E peut également augmenter le phénomène d’agrégation plaquettaire, constituant un facteur de risque de thrombose, d’infarctus du myocarde, ou d’autres complications cardiovasculaires.

 

Quels minéraux à risque ?

Voici le même exercice concernant les minéraux :

  • Le zinc : il s’agit d’un élément trace essentiel, aux rôles multiples (croissance et développement cellulaire, métabolisme, cognition, reproduction, immunité, etc.). 
  • Le sélénium : il s’agit d’un cofacteur essentiel des enzymes antioxydantes et du fonctionnement thyroïdien. Son déficit augmente par ailleurs le risque cardiovasculaire et de cancers (notamment du sein).
  • Le magnésium : il est impliqué dans plus de 300 réactions enzymatiques. Son déficit est associé à un grand nombre de symptômes et problèmes communs : spasmes musculaires, anxiété, migraines, mauvais sommeil, hypertension, etc. Cette énumération non exhaustive nous montre bien l’importance de ce minéral.

 

Vigilance en cas de projet de grossesse 

Dans le cas d’un projet de grossesse, plusieurs précautions s’imposent très en amont. L’objectif est à la fois d’augmenter les chances de fertilité, et de réduire les risques pendant la gestation (pour le fœtus et pour la future maman).

  • Faire un bilan biologique complet 6 mois avant l’arrêt de la pilule. Même si certaines analyses ne sont pas prises en charge, cet investissement n’a à mon sens pas de prix au regard des enjeux.
  • Supplémenter pour corriger les déficits. Le statut en minéraux et vitamines doit être optimal dès le 1er jour de la grossesse.
  • Refaire un bilan biologique juste avant l’arrêt de la pilule. L’objectif est de contrôler l’efficacité de la supplémentation et de définir la stratégie pour les mois à venir. 
  • Supplémenter en folates et en B12 dans tous les cas. Même si le statut est correct, la supplémentation en vitamine B9 sera impérative chez toutes dès 6 mois avant le début du projet. Au regard du risque neurologique majeur pour le fœtus, le principe de précaution prévaut.

 

En pratique 

La littérature nous montre clairement que l’usage de la pilule augmente le risque de déficits en plusieurs vitamines et minéraux. Il convient donc de prévenir, contrôler et corriger ces déficits.

Plusieurs situations doivent amener à redoubler de vigilance, du fait d’un risque encore plus accru de déficits (Massey 1979). Il s’agit des femmes :

  • Qui sortent d’une grossesse.
  • Qui ont un projet de grossesse.
  • Qui ont récemment été malades.
  • Qui ont récemment subi une opération chirurgicale.
  • Qui ont une alimentation inadaptée et de mauvaise qualité.
  • Qui sont encore en croissance.
  • Qui ont des antécédents familiaux de diabète ou de maladie cardiovasculaire.
  • Ce à quoi nous pouvons ajouter l’alcoolisme, le tabagisme, la malabsorption intestinale, etc.

D’une manière générale, il y aura tout intérêt à adopter de manière prophylactique une supplémentation quotidienne en :

  • Magnésium (sous une forme et une posologie à biodisponibilité optimale, par exemple 300-400 mg de citrate de magnésium en 3-4 prises).
  • Complexe de multivitamines B de haute qualité (bien vérifier la composition, la forme de chaque vitamine B, et la dose qui doit être nutritionnelle). Ne pas prendre de complexe contenant autre chose que des vitamines du groupe B, sauf recommandation de votre professionnel de santé.
  • NAC (N-acétylcystéine) pour son action antioxydante et anti-inflammatoire, sa sûreté et son coût très abordable (Tenório 2021).
  • Noix du Brésil, 3 noix par jour suffisent en théorie à couvrir les besoins en sélénium, ce qui n’exclut pas le contrôle pour s’assurer que cela soit suffisant.

Pour le reste, un bilan biologique complet s’impose avant toute mesure supplémentaire, afin de contrôler :

  • Le statut en zinc, fer, sélénium, iode, vitamine E, vitamine D, vitamines B9 et B12.
  • L’inflammation en dosant la CRP ultrasensible.
  • Le stress oxydatif en dosant les anticorps anti-LDL oxydés (non-remboursé mais précieux pour votre prévention).
  • Le métabolisme (glycémie à jeun, HbA1C, insulinémie à jeun, exploration d’anomalie lipidique).

En fonction de ces résultats, un professionnel de santé, formé à la micronutrition, pourra établir un programme complet basé sur des mesures nutritionnelles, physionutritionnelles et environnementales.

 

Sources

Badenhorst 2023 Physiological Reports – Does chronic oral contraceptive use detrimentally affect C‐reactive protein or iron status for endurance‐trained women?

Basciani 2022 European Review for Medical and Pharmacological Sciences – Counteracting side effects of combined oral contraceptives through the administration of specific micronutrients.

Cauci 2016 Sports Medicine – Combined Oral Contraceptives Increase High-Sensitivity C-Reactive Protein but Not Haptoglobin in Female Athletes.

Cauci 2016 Sports Medicine – Oxidative Stress in Female Athletes Using Combined Oral Contraceptives.

Cauci 2021 Molecules – Oxidative Stress Is Increased in Combined Oral Contraceptives Users and Is Positively Associated with High-Sensitivity C-Reactive Protein.

Lidegaard 2011 British Medical Journal – Risk of venous thromboembolism from use of oral contraceptives containing different progestogens and oestrogen doses: Danish cohort study, 2001-9.

Machado 2022 Revista Brasileira de Ginecologia e Obstetrícia – Progestogen-only oral contraceptives.

Massey 1979 American Family Physician – Effect of oral contraceptives on nutritional status.

Palmery 2013 European Review for Medical Pharmacological Sciences – Oral contraceptives and changes in nutritional requirements.

Park 2022 Healthcare – Association between Oral Contraceptive Use and the High-Sensitivity C-Reactive Protein Level in Premenopausal Korean Women.

Pincemail 2007 Human Reproduction – Effect of different contraceptive methods on the oxidative stress status in women aged 40–48 years from the ELAN study in the province of Liège, Belgium.

Porcaro 2019 International Journal of Medical Device and Adjuvant Treatments – Supplementation with specific micronutrients reduces the adverse effects of combined oral contraceptive treatment.

Quinn 2021 European Journal of Applied Physiology – Temporal changes in blood oxidative stress biomarkers across the menstrual cycle and with oral contraceptive use in active women.

Quinn 2022 European Journal of Applied Physiology – Blood oxidative stress biomarkers in women: influence of oral contraception, exercise, and N-acetylcysteine.

Sanches de Melo 2017 Journal of Contraception – Hormonal contraception in women with polycystic ovary syndrome: choices, challenges, and noncontraceptive benefits.

Tenório 2021 Antioxydants – N-Acetylcysteine (NAC): Impacts on Human Health.

Van Hylckama Vlieg 2009 British Medical Journal – The venous thrombotic risk of oral contraceptives, effects of oestrogen dose and progestogen type: results of the MEGA case-control study.

Zencirci 2010 J Pain Res – Comparison of the effects 

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